Pourquoi choisir des « mots de l’année » ?
Chaque année, les dictionnaires scrutent l’usage et l’évolution de la langue pour désigner un mot « symbole » de l’époque. En 2025, trois termes ont particulièrement retenu l’attention : parasocial (Cambridge Dictionary), 6-7 (Dictionary.com) et vibe coding (Collins Dictionary). Derrière ces mots se cache un portrait saisissant de notre société, de nos émotions et de notre rapport à la technologie. Ils ne traduisent pas seulement ce que nous disons, mais illustrent aussi comment nous vivons et percevons le monde.
Parasocial : quand la proximité n’est qu’une illusion
Le phénomène parasocial remonte aux débuts de la télévision, où certains téléspectateurs voyaient dans les animateurs de vrais amis. Aujourd’hui, cette « relation à sens unique » se nourrit des réseaux sociaux et des plateformes de streaming. Influencers, créateurs de contenu et chatbots personnalisés semblent entretenir un lien intime avec leurs abonnés, qui commentent story après story, répondent aux sondages et partagent leurs émotions. En réalité, ces personnalités – humaines ou artificielles – ignorent souvent l’existence de chacun de leurs milliers, voire millions, de followers.
- Les influenceurs partagent leur quotidien, mais ne peuvent répondre à chaque message.
- Les chatbots IA consolent et conseillent, sans conscience des émotions humaines.
- Ce décalage crée un sentiment d’attachement trompeur, parfois source de déceptions fortes.
Le choix du Cambridge Dictionary souligne la fragilité de nos besoins affectifs dans un monde hyperconnecté, où l’illusion de compagnie remplace trop souvent l’interaction réelle.
6-7 : le chiffre absurde devenu phénomène viral
Sur TikTok et les réseaux américains, l’expression « 6-7 » s’est imposée sans raison claire. Dictionary.com la qualifie « d’ambiguë et largement insensée », mais c’est précisément ce manque de sens qui en fait un marqueur générationnel puissant. Tout a commencé avec le rappeur Skrilla et son morceau « Doot Doot (6 7) », avant que la communauté ne s’approprie le chiffre pour exprimer un « je ne sais pas » ou un ton sarcastique.
- Une chorégraphie mains ouvertes, paumes vers le ciel, accompagne le terme.
- Certains l’associent à l’imposante taille de LaMelo Ball (6 pi 7) pour décaler encore le sens.
- 6-7 symbolise l’ironie face à la surcharge d’informations et la difficulté à donner un avis fondé.
Ce phénomène révèle la recherche d’une légèreté ludique, où l’expression devient un simple code de communauté, moins pour signifier quelque chose que pour participer à un jeu viral.
Vibe coding : la programmation par l’intention
Vibe coding, élu par Collins Dictionary, traduit l’irruption de l’IA dans le monde du développement logiciel. Plutôt que de rédiger des lignes de code, les développeurs dictent leur intention à un modèle IA. Par exemple :
- « Je veux un site web qui affiche mes photos par date et événement. »
- « Génère une application mobile avec un système de notifications pour mes tâches. »
L’IA se charge alors de la syntaxe, des bibliothèques et de la mise en forme, tandis que le créateur se concentre sur le « vibe », l’esprit du projet. Cette approche révolutionne les compétences requises :
- Moins de maîtrise de langages, plus de capacité à formaliser un besoin en langage naturel.
- Une collaboration homme-machine où l’IA devient co-pilote créatif.
- Des questions nouvelles sur la fiabilité et la sécurité du code généré automatiquement.
Le vibe coding incarne l’entrée dans une ère où la pensée prime sur la technique pure, ouvrant la voie à une création logicielle plus démocratique.
Ces mots nous parlent de demain
Parasocial, 6-7 et vibe coding n’ont rien en commun, et pourtant ils dressent ensemble un tableau cohérent de nos défis contemporains :
- Parasocial : la quête de lien humain substituée par la technologie ;
- 6-7 : l’ironie et la légèreté pour naviguer dans un océan d’informations ;
- Vibe coding : l’IA qui redéfinit la création technique.
Ces termes forment un triptyque linguistique, révélateur d’une génération en quête d’authenticité, de simplicité et d’innovation. Ils traduisent notre adaptation aux réalités numériques et dessinent les contours d’un futur où la technologie modèle nos émotions, notre communication et nos méthodes de travail.
