Les câbles Internet sous-marins, bien que rarement sous les feux des projecteurs, constituent une infrastructure essentielle de notre ère numérique. Ils sont responsables de 99 % du trafic Internet intercontinental, reliant les continents et assurant les communications mondiales. Ces derniers temps, ce secteur a connu un bouleversement majeur avec l’arrivée en force des géants de la technologie tels que Google, Meta, Microsoft et Amazon. Ces entreprises dominent désormais la capacité internationale, contrôlant plus de 70 % du marché.
La montée en puissance des géants de la tech
Au cours de la dernière décennie, les colosses technologiques américains ont investi massivement dans les câbles sous-marins. Il y a dix ans, ces entreprises ne détenaient que 10 % de la capacité internationale. Aujourd’hui, leur part a explosé, laissant les autres entreprises, principalement asiatiques et américaines, se répartir le reste. Ce monopole technologique met en lumière un changement de paradigme, où les infrastructures de communication les plus stratégiques sont désormais entre les mains des Big Tech.
Cet engouement s’inscrit dans un marché estimé à plus de 15 milliards de dollars en 2024, avec une croissance projetée de 10 % par an jusqu’en 2034. Ce cadre dynamique met en évidence l’importance croissante de ces infrastructures pour l’économie mondiale et la nécessité de continuer à investir dans leur expansion.
Meta et le câble sous-marin le plus long au monde
Récemment, Meta a frappé un grand coup avec l’annonce du projet Waterworth. Ce câble sous-marin, long de plus de 50 000 km (soit plus de la circonférence de la Terre), reliera cinq continents, établissant un record mondial. Meta parle d’un investissement « multimilliardaire » destiné à étendre les « autoroutes numériques mondiales » et à favoriser l’innovation en intelligence artificielle. Ce projet renforce la puissance économique des États-Unis et améliore l’accès aux marchés émergents en Amérique latine, en Afrique et au Moyen-Orient, tout en encourageant la connectivité Sud-Sud.
Les initiatives européennes face au défi technologique
En Europe, la plupart des efforts se concentrent autour du bassin méditerranéen, avec l’Italie en tête grâce à l’entreprise Sparkle. Avec une fibre optique de 600 000 km répartie en Europe, dans le bassin méditerranéen et en Amérique, Sparkle est une entreprise stratégique, récemment reprise par le Ministère de l’Économie italien pour 700 millions d’euros. Ce développement souligne l’importance cruciale de ces infrastructures pour la stabilité économique et la compétitivité européenne.
Le projet BlueMed, développé en partenariat avec Google, illustre le rôle central de l’Europe dans les connexions internationales. En passant par le détroit de Messine au lieu du Canal de Sicile, BlueMed offre une nouvelle route entre la Mer Rouge et la Méditerranée, consolidant ainsi la position de l’Europe comme un pont géopolitique et économique entre l’Orient et l’Occident.
Renforcer les infrastructures européennes
En réponse à ces enjeux croissants, la Commission européenne a dévoilé un plan d’action visant à renforcer la résilience des câbles sous-marins grâce à un investissement de 540 millions d’euros pour la période 2025-2027. Cette stratégie vise à prévenir les interruptions liées aux sabotages et à d’autres incidents menaçant l’intégrité de ces infrastructures critiques, qui connaissent en moyenne 150 à 200 pannes par an.
Dans un monde de plus en plus interconnecté, les câbles sous-marins restent un élément vital, non seulement pour la connectivité technologique, mais aussi pour la sécurité économique et politique des régions qu’ils desservent. Alors que les tensions géopolitiques s’exacerbent, il est crucial que l’Europe, en partenariat avec les acteurs mondiaux, assure la sécurité et la durabilité de ses infrastructures numériques.