Quand l’arnaque au trading devient une multinationale criminelle

Les fraudes au trading en ligne ont évolué bien au-delà du système du « petit site web douteux » : elles sont désormais orchestrées comme de véritables entreprises multinationales. Selon la récente enquête de Wired, ces réseaux de fraudeurs gèrent des call centers, développent leurs propres logiciels, déplacent leurs opérations à la moindre alerte et blanchissent les fonds volés via des prestataires numériques spécialisés. Plongeons dans les coulisses de ce business obscur.

Des call centers structurés comme des départements d’entreprise

Finies les arnaques artisanales d’il y a quinze ans. Aujourd’hui, les escrocs du trading opèrent par dizaines de pays, avec des organigrammes détaillés et des responsabilités clairement définies :

  • Manager général : supervise les comptes, les budgets et la stratégie marketing.
  • Responsables recrutement : gèrent l’embauche de nouveaux conseillers, souvent installés en Ukraine, Albanie, Géorgie ou Macédoine du Nord.
  • Équipe tech : développe et maintient le logiciel CRM interne appelé IT PumaTS ou d’autres systèmes maison.
  • Cellule juridique : s’assure de contourner les lois locales et prépare la création de sociétés-écrans.
  • Département blanchiment : noue des partenariats avec des prestataires comme « Britain Local » ou Squaretalk pour retirer les fonds sans laisser de traces.

Le groupe Milton, dévoilé par l’enquête Fraud Factory en 2020, revendique jusqu’à 70 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel grâce à ses centaines d’employés répartis entre Kyiv, Tirana et Skopje. Une structure qui rivalise avec celle de n’importe quelle start-up technologique.

L’infrastructure logicielle : du sur-mesure pour la fraude

Pour gérer des milliers de victimes simultanément, ces organisations misent sur des logiciels CRM maison. Adoption d’IT PumaTS en Albanie, développement de plateformes plus évoluées en Géorgie : chaque levier technique permet de :

  • Stocker et suivre l’historique de chaque prospect (données personnelles, montants investis, étape du « parcours client »).
  • Générer des tableaux de bord en temps réel pour optimiser la « performance » des agents.
  • Distribuer automatiquement les « leads » issus de campagnes publicitaires ciblées sur Facebook, TikTok ou Google Ads.
  • Intégrer des modules de suivi des paiements pour détecter les tentatives de retrait et y répondre par de nouvelles demandes de frais ou de taxes fictives.
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Cette verticalisation technique accroît la productivité des call centers et leur résilience face aux démantèlements ponctuels de serveurs ou de numéros de téléphone.

Migration rapide et couverture globale

Le véritable tour de force de ces « multinationales de la fraude » réside dans leur capacité à déplacer leurs actifs et opérations en un clic. Quand un numéro VoIP est black-listé, ils en adoptent un nouveau. Si une plateforme web est bloquée par les autorités, elle se relance instantanément sous un autre nom de domaine :

  • Les escrocs utilisent des infrastructures Cloud réparties sur plusieurs continents.
  • Ils créent en quelques heures de nouvelles sociétés-écrans à Chypre, en Géorgie ou en République tchèque.
  • Les équipes de modération de Google ou Meta peinent à suivre le renouvellement permanent des annonces publicitaires frauduleuses.

Selon l’enquête Scam Empire, deux réseaux distincts ont récolté ensemble 275 millions de dollars en trois ans, grâce à 32 000 victimes dans le monde entier.

Des mécanismes de blanchiment toujours plus sophistiqués

Une fois l’argent récolté via les plateformes de trading, les fraudeurs passent à la vitesse supérieure en externalisant le blanchiment :

  • Fournisseurs de paiements : des services comme « Britain Local » montent des comptes bancaires au Royaume-Uni, détenus par des prestanoms.
  • Sociétés de comodo : facturations fictives pour simuler des transactions légitimes et contourner les blocages des banques.
  • Réseaux de cryptomonnaies : redirection vers des wallets anonymes, puis échange ultérieur en fiat via d’autres prestataires peu scrupuleux.

La commission prélevée par ces prestataires atteint souvent 10–17 % du montant transféré, bien au-dessus des tarifs bancaires classiques. Pourtant, selon des experts de la Cifas au Royaume-Uni, ils sont devenus indispensables pour que ces fraudes puissent se poursuivre.

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Enquêtes internationales et réactions policières

Les révélations de Fraud Factory ont déclenché des actions en justice en Allemagne, notamment à Munich et à Leipzig, avec saisies de matériel informatique et arrestations d’employés. En Russie, le FSB a mis sous scellés les bureaux de Milton et interpellé onze anciens collaborateurs.

En 2025, la Géorgie a ouvert une enquête pénale à la suite de Scam Empire, gelant les avoirs de certains dirigeants. Mais ces mesures restent souvent insuffisantes face à la mobilité extrême des réseaux criminels, qui recréent un nouveau call center dès qu’un ancien est démantelé.

Une industrie qui prospère grâce à la finance numérique

Les technologies financières et le boom des cryptomonnaies ont fourni aux escrocs des outils de plus en plus performants :

  • La promesse de transactions rapides et « transparentes » a légitimé les sites de trading aux yeux des investisseurs naïfs.
  • Les options binaires et autres dérivés exotiques ont transformé le trading en une forme de jeu d’argent à gros enjeux.
  • Les paiements en crypto, réputés infalsifiables, masquent la destination réelle des fonds volés.

Les escroqueries s’appuient sur la psychologie du joueur et la complexité croissante des produits financiers pour générer un effet d’accoutumance et pousser les “clients” à injecter toujours plus d’argent.

Pourquoi il est si difficile de freiner ces fraudes

Pour stopper cette industrie, il faudrait coordonner des actions judiciaires sur plusieurs continents, réguler les publicités en ligne et rendre les prestataires financiers entièrement responsables. Or :

  • Les législations nationales varient et sont souvent inadaptées à la rapidité des infrastructures cloud.
  • Les plateformes sociales manquent de moyens pour modérer des milliers d’annonces frauduleuses renouvelées chaque jour.
  • Les victimes hésitent à porter plainte, craignant les complexités juridiques et la stigmatisation.
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Tant que les profits resteront astronomiques et la dissuasion minimale, ces « entreprises criminelles » continueront à prospérer, faisant du trading en ligne un terrain de chasse lucratif pour les mafias numériques.

By Octave