L’arrivée surprise en juillet 1990
Le 13 juillet 1990, alors que l’été battait son plein, Ghost débarquait dans les salles avec l’étiquette d’un « petit film romantique ». Derrière ce projet, Jerry Zucker – connu jusqu’alors pour ses parodies déjantées (L’avion le plus fou du monde) – s’était aventuré sur un terrain inédit. Séduit par la scénarisation subtile de Bruce Joel Rubin, Zucker réécrivit légèrement le script pour alléger son ton initialement trop sombre. Produit par la Paramount avec un budget de 25 millions de dollars, Ghost bénéficiait d’une confiance mesurée : le studio anticipait un succès modeste, peut-être dans la lignée des romances adolescentes de l’époque.
Un mélodrame fantastique à tiroirs multiples
Ghost se distingue par sa capacité à enchaîner sans fausse note plusieurs genres :
- La comédie, portée par l’humour désopilant d’Oda Mae Brown (Whoopi Goldberg) ;
- Le mélodrame amoureux, centré sur la relation poignante entre Sam et Molly ;
- Le fantastique, avec le postulat d’un fantôme empêché d’interagir physiquement avec les vivants ;
- Le thriller et la vengeance, lorsque l’ombre de Willie (Rick Aviles) plane sur leur histoire ;
- L’horreur, dans quelques scènes nocturnes où la frontière entre vivant et mort se brouille.
Ce cocktail audacieux, jamais vu jusqu’alors à ce degré d’équilibre, permit à Ghost de séduire un public très large, des amateurs de romance aux fans de suspense.
Les scènes clés qui ont marqué l’imaginaire collectif
Plusieurs séquences sont devenues mythiques :
- La fameuse scène au tour de potier, où Sam (Patrick Swayze) et Molly (Demi Moore) façonnent ensemble un vase. Entre sensualité et émotion pure, le tout sur Unchained Melody des Righteous Brothers, cette séquence a scellé leur amour dans l’inconscient cinéphile collectif.
- La révélation comique dans la banque, lorsque Sam, en fantôme, pousse Oda Mae à effectuer une transaction farfelue pour collecter des fonds. Whoopi Goldberg y démontre un sens du timing comique exceptionnel.
- Le final mémorable, où Sam échange un dernier baiser avec Molly avant de rejoindre la lumière… Un adieu suspendu dans le temps, souligné par une mise en scène épurée et un montage au rythme parfait.
Une photographie et une musique inoubliables
Côté visuel, Adam Greenberg signe une photographie qui oscille entre clair-obscur new-yorkais et éclats crépusculaires. Les teintes automnales, les contre-jours urbains et les atmosphères feutrées confèrent au film un charme mystérieux. À l’image, la BO de Maurice Jarre (Oscar de la meilleure musique originale) apporte sa touche solennelle, tandis qu’Unchained Melody ancre la romance dans la culture pop.
Des performances au sommet
Si Patrick Swayze et Demi Moore incarnent avec justesse Sam et Molly, c’est surtout Whoopi Goldberg qui accapare les lauriers : son interprétation d’Oda Mae Brown, médium à l’accent rocailleux et au tempérament explosif, lui vaut l’Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle. La présence de Vincent Schiavelli en guide spectral ajoute une dimension presque surréaliste, rappelant que le monde des morts obéit ici à ses propres règles.
Un triomphe commercial et critique
Prix de production contre demi-milliard de dollars de recettes : Ghost devint l’un des plus grands succès de 1990, dépassant toutes les attentes de la Paramount. Nommé à cinq Oscars, il remporta ceux de la musique originale, du scénario et de la performance de Whoopi Goldberg. Au fil des diffusions télé et des ventes VHS, le film se transmuta en véritable phénomène de culture populaire, inspirant parodies, hommages et innombrables réinterprétations.
Un modèle pour la rom-com et le fantastique
Trente-cinq ans plus tard, Ghost demeure une référence : son écriture millimétrée, la chimie entre les acteurs et le dosage des tons en font un exemple de mélange de genres. Il a ouvert la voie à des récits mêlant romance et surnaturel sans sombrer ni dans le cliché ni dans l’excès dramatique. Son influence se perçoit dans les comédies sentimentales d’aujourd’hui, même si peu parviennent à atteindre son niveau de sophistication émotionnelle et de créativité visuelle.
Pourquoi Ghost continue de captiver
Au-delà de la nostalgie, c’est la simplicité du cœur du film qui le maintient vivant : l’amour éternel, la perte, la quête de justice et la comédie saupoudrée d’aventure. Ghost réussit l’exploit de parler à toutes les générations, de transcender les modes et de rester une « histoire intemporelle », tantôt drôle, tantôt poignante, toujours empreinte de cette touche magique propre aux plus grands classiques du cinéma.