Une envolée record en Bourse pour Cambricon
Fin août, le titre Cambricon a déjoué tous les pronostics : ses actions ont brièvement dépassé en valeur celles de Moutai, géant chinois du spiritueux, propulsant la capitalisation de la start-up au cœur des discussions sur les marchés du Dragon. Cette performance spectaculaire reflète l’engouement autour de l’intelligence artificielle et la volonté de la Chine de disposer d’un champion national face à Nvidia de Jensen Huang.
Qui est Cambricon, le rival chinois de Nvidia ?
Établie en 2016 à Pékin par les frères Chen Tianshi et Chen Yiushi, Cambricon conçoit des microprocesseurs et des unités de traitement graphique (GPU) dédiés aux applications d’IA. Après avoir grandi dans les laboratoires de l’Académie chinoise des sciences, les deux frères ont fondé leur entreprise pour répondre à l’impératif national : réduire la dépendance aux puces occidentales et soutenir l’essor fulgurant de l’IA locale.
Des résultats financiers fulgurants
Au premier semestre 2025, Cambricon a publié des chiffres impressionnants :
- Chiffre d’affaires : 2,88 milliards de yuans (environ 350 millions d’euros), en hausse de 4 000 % sur un an.
- Profit net : près de 1 milliard de yuans (120 millions d’euros).
Ces performances expliquent en partie l’explosion du cours de l’action : multiplié par dix depuis début 2023, le titre affiche aujourd’hui un PER (price/earnings ratio) de 580, soit quasiment dix fois celui de Nvidia. Une valorisation record qui invite toutefois à la prudence.
Le coup de pouce de Pékin
Le gouvernement chinois détient environ 15 % du capital de Cambricon et a pesé de tout son poids quand, le 11 août, il a recommandé à ses entreprises de suspendre l’achat des puces H20 de Nvidia, longtemps bloquées par les sanctions américaines avant la récente autorisation de Donald Trump. Cette directive a déclenché une hausse spectaculaire des actions Cambricon, qui ont doublé en deux semaines pour atteindre 1 587 yuans (190 €).
Les ambitions de levée de fonds
Pour soutenir sa recherche et optimiser ses puces pour les modèles d’IA chinois (comme Qwen 3 d’Alibaba), Cambricon prévoit de lever 4 milliards de yuans (480 millions d’euros) supplémentaires. Ces fonds seront consacrés à la R&D et à la construction d’un écosystème logiciel pour rivaliser avec l’indispensable plateforme CUDA de Nvidia, véritable clé du succès des GPU américaines.
Défis techniques et logiciel : un écosystème à bâtir
Si Cambricon maîtrise le design de ses circuits, l’autre bataille se joue sur l’optimisation logicielle. Les ingénieurs doivent créer des bibliothèques et des frameworks compatibles avec leurs puces, comme Nvidia l’a fait avec CUDA pour ses GPU. Sans un tel écosystème, les performances brutes risquent de rester sous-exploitées.
Stratégie nationale des semiconducteurs
Depuis 2020, la Chine a mis en place la « stratégie des cent fleurs » pour financer l’innovation locale :
- Multiplication des fonds provinciaux et locaux.
- Renforcement du Big Fund avec plus de 50 milliards de dollars d’investissements.
- Crédit d’impôt de 10 % jusqu’en 2028 pour les investissements étrangers réinjectés dans les secteurs stratégiques.
Résultat : la capacité de production de puces 28–90 nm a triplé en quatre ans, positionnant la Chine en leader sur les technologies dites « matures ». Mais gare à l’excès de capacité et au dumping tarifaire, déjà observés dans le secteur des véhicules électriques.
Un horizon semé d’obstacles
Malgré l’enthousiasme, plusieurs risques planent :
- Surrévaluation boursière : un PER extrêmement élevé peut précéder une correction brutale.
- Dépendance aux outils logiciels : sans un écosystème robuste, les puces resteront sous-utilisées.
- Pression internationale : Washington surveille de près l’avancée chinoise dans les semi-conducteurs et pourrait durcir les restrictions.
Cambricon au cœur d’une course mondiale à l’IA
Si Nvidia reste l’étalon-or des GPU AI, Cambricon incarne l’ambition de la Chine : produire en interne des puces compétitives et bâtir une filière autonome. À l’heure où l’IA transforme industries et services, chaque bond technologique se traduit en valorisation boursière. Reste à voir si Cambricon saura maintenir le cap et constituer un véritable écosystème, à l’image de celui qui a propulsé Nvidia vers les sommets de Wall Street.