Qui sont les Guerriers V_V ?
Apparus il y a quelques années en marge des mouvements no-vax italiens, les Guerriers V_V se définissent comme des activistes « anti-tout ». Vaccins, 5G, paiements numériques, Agenda 2030, zones à trafic limité, ONU, OTAN, Forum économique mondial, énergies propres… presque aucun thème sociétal ou technologique n’échappe à leurs attaques. Leur mot d’ordre ? Résister à ce qu’ils qualifient de « dictature nazicommuniste » sous-tendue par des élites mondiales. Avec des milliers de sympathisants répartis à travers tout le pays, ils ont déjà fait l’objet d’enquêtes et de perquisitions début 2023, ce qui ne les empêche pas de reprendre de plus belle sur les réseaux.
Une communication digitale ultra-structurée
Les Guerriers V_V ne se contentent pas de publier çà et là des contenus amateurs : leur mouvement est géré de façon professionnelle. Sur Telegram, deux canaux officiels relaient en continu des consignes, soutenus par une douzaine de sous-canaux thématiques. Chaque sous-canal diffuse :
- les slogans à taguer sur les murs ;
- les mini-guides pour poser des stickers et des affiches ;
- les visuels à utiliser comme fonds d’écran ou bannières de profil ;
- les horaires de « mission » en plusieurs langues (italien, anglais, français).
Au-delà du militantisme, ils proposent même du merchandising : pins, t-shirts, sweats et flyers. Des « slots » de recrutement sont publiés périodiquement, signe d’une montée en puissance du mouvement vers une dimension transnationale.
Du virtuel à la ville : le passage à l’action réelle
Depuis quelques mois, l’activisme digital des Guerriers V_V s’incarne dans le marquage urbain. Munis de bombes de peinture rouge, leurs adeptes se promènent dans les villes, laissant fleurir sur les murs, les ponts ou même dans des cimetières, le « W » cerclé, emblème du groupe. Que l’on parle de tags sur les tombes des cimetières de Forlì ou de Pisa, ou de banderoles plantées lors du Festival des Cerfs-Volants à Cervia, leurs interventions visent à capter l’attention et à semer le doute auprès des passants.
Les méthodes et outils de diffusion
- Graffitis et stickers rouges signés « W » ;
- Vidéos de terrain partagées sur YouTube et Telegram ;
- Appels à l’action répliqués plusieurs fois, parfois jusqu’à l’overdose médiatique ;
- Présence dans des lieux symboliques (hôpitaux, ministères, sites culturels).
Leur obsession du détail se manifeste dans la sémantique des publications : si l’action n’est pas signée du « W » cerclé, elle est officiellement démentie, comme ce fut le cas pour la récente provocation contre une villa appartenant au sénateur Andrea Crisanti.
Une idéologie à la croisée du conspirationnisme et de l’alt-right
Si leur discours clame la lutte contre le « nazicommunisme », les faits montrent une filiation idéologique plus proche des courants d’extrême droite et des théories complotistes. Les Guerriers V_V partagent et valorisent :
- des articles de sites conspirationnistes (Climaterealism, The Daily Sceptic) ;
- des vidéos de figures de l’alt-right (Jordan Peterson, élus de l’AfD ou de Vox) ;
- des références à Breitbart, l’hebdo américain décrié pour son soutien à Donald Trump ;
- des appels à la « monnaie comptant » tout en organisant des challenges payés en bitcoin.
Ils s’en prennent aux politiques de gauche (notamment la CGIL de Landini, des virologues comme Bassetti ou Crisanti), tout en louant les personnalités d’ultradroite et en vantant parfois l’œuvre de QAnon, définitivement discréditée mais réapparue sous une autre signature.
QAnon et Guy Fawkes : l’influence des légendes urbaines
L’analogie avec QAnon est troublante. Anciennement prospère sur 4Chan, le mouvement QAnon s’est effrité après l’assaut du Capitole, mais sa mystique a survécu via la symbolique de la lettre Q. Les Guerriers V_V ont repris le même schéma : slogans cryptiques, promesses de révélations, absence de projet concret. Ils arborent également la référence à « V » de V for Vendetta : la W cerclée n’est autre que la double V (ri-ven-di-ca), détournement du masque de Guy Fawkes désormais symbole d’Anonymous.
Les enjeux et les risques pour la société
En ciblant la vaccination, la 5G, la transition écologique, la culture woke, et même l’éducation, les Guerriers V_V sèment la défiance généralisée. Leur capacité à mobiliser numériquement et physiquement pose plusieurs défis :
- climat de peur autour des technologies et des politiques publiques ;
- vandalismes urbains et atteintes au patrimoine ;
- radicalisation de certains sympathisants désorientés par le choc d’informations contradictoires ;
- propagation de fausses nouvelles exploitant les peurs collectives.
Face à cette mouvance hybride, la réponse des autorités italiennes s’annonce complexe : il s’agit de concilier liberté d’expression, protection du patrimoine et lutte contre la désinformation.
Une galaxie conspirationniste en expansion
Les Guerriers V_V ont su fédérer autour d’eux une galaxie de sites et de blogs (Voce libera web, Scenari economici, Quotidianoweb) déjà acquis aux thèses no-vax et climato-sceptiques. Financés en arrière-plan par des lobbies proches des énergies fossiles et des géants du numérique, ils bénéficient d’un terreau fertile pour recruter et diffuser leurs idées. Le mélange toxique de complotisme, de nostalgie d’un monde sans règles numériques, et de fantasmes anti-élites en fait l’une des forces radicales les plus imprévisibles du moment.