Intel abandonne ses méga-usines de puces en Europe

Le 24 juillet, Intel a fait trembler l’industrie des semi-conducteurs en annonçant l’arrêt définitif de ses chantiers de fabrication de puces en Allemagne et en Pologne. Ce coup de tonnerre intervient dans le cadre d’une vaste restructuration, marquée par la suppression de 25 000 emplois et une perte record de 2,9 milliards de dollars au deuxième trimestre 2025. Au total, ce sont plus de 35 milliards d’euros d’investissements publics et privés qui s’évaporent, fragilisant la stratégie européenne d’autonomie technologique.

Magdebourg : un projet pharaonique sacrifié

Le site de Magdebourg incarnait l’espoir de l’Europe pour produire en masse des puces à la pointe de la technologie. Annoncée en juin 2022, l’usine devait bénéficier de 9,9 milliards d’euros de subventions allemandes et accueillir une production de gravure en 2 nm. Avec un budget total de 30 milliards, c’était le plus grand investissement industriel hors des États-Unis depuis des décennies, soutenu par le tout récent EU Chips Act.

Après une première mise en pause de deux ans en septembre 2024, décidée par l’ex-PDG Pat Gelsinger, le nouveau CEO Lip-Bu Tan a opté pour une annulation pure et simple. Raison invoquée : des engagements « excessifs et prématurés » par rapport à la demande réelle du marché. La promesse de milliers d’emplois directs et indirects s’est envolée, laissant place à un sentiment de débâcle pour les autorités régionales et fédérales.

Un second coup dur en Pologne

En parallèle, le site de Wroclaw en Pologne, consacré à l’assemblage et aux tests, n’échappera pas au couperet. Prévu pour un investissement de 4,6 milliards d’euros et la création de 2 000 postes, ce projet était censé compléter la chaîne européenne des semi-conducteurs. Lui aussi avait déjà été mis en pause en 2024, avant d’être finalement abandonné, privant l’Europe d’une formidable vitrine de son ambition industrielle.

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Une restructuration globale et ses périmètres

Intel ne se limite pas à l’Europe. La même restructuration dézingue l’activité de Costa Rica, où 3 400 employés travaillent à l’assemblage et aux tests. Les opérations seront transférées vers des sites au Vietnam et en Malaisie. Aux États-Unis, la construction de la fab de 28 milliards de dollars dans l’Ohio, déjà repoussée une première fois, est désormais ralentie. Intel mise tout sur les incitations du CHIPS and Science Act, qui lui garantit 8,5 milliards de subventions pour renforcer la production nationale.

Le casse-tête du Chips Act européen

L’échec d’Intel illustre les failles de l’EU Chips Act. Contrairement aux États-Unis, qui ont centralisé 52,7 milliards de dollars fédéraux sous conditions strictes, l’Europe s’appuie sur une mosaïque de fonds nationaux. Sur les 43 milliards mobilisés, à peine 3,3 milliards proviennent de Bruxelles. Chaque entreprise doit négocier séparément avec les Vingt-sept, allongeant les délais et complexifiant la coordination.

Résultat : alors que Washington obtient des validations rapides pour ses projets, l’administration allemande et ses contreparties polonaises peinent à finaliser des accords. Intel a estimé qu’il ne pouvait plus attendre et a jugé ces processus trop lents face à la concurrence mondiale.

Les champions européens, mais pas de grande fonderie

Malgré ce revers, l’Europe conserve des leaders dans des segments pointus : ASML, de contrebande néerlandaise, détient le quasi-monopole des machines de lithographie extrême UV essentielles pour les process sub-7 nm. Infineon et STMicroelectronics se distinguent dans l’automobile et l’industriel. Cependant, aucun grand fabricant local n’est capable de rivaliser avec TSMC ou Samsung sur les procédés 2 et 3 nm.

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L’absence d’une « fab » européenne intégrée aux processus les plus avancés laisse le Vieux Continent dépendant de fournisseurs extra-européens et risque de fragiliser les chaînes d’approvisionnement à moyen terme.

Vers de nouvelles stratégies nationales

Face à ce tsunami, plusieurs pays cherchent à repenser leur modèle. La France a annoncé 5,4 milliards d’euros dans le cadre du plan France 2030. L’Italie mobilise 4,15 milliards via le PNRR. Les Pays-Bas ont mis en place un fonds de 2,5 milliards dédié aux technologies critiques. Cette course aux financements nationaux pourrait aboutir à une meilleure coordination à l’échelle européenne, ou au contraire accentuer la fragmentation déjà pointée par Intel.

La leçon est claire : si l’Europe veut conserver sa souveraineté technologique, elle devra bâtir une vision commune et un mécanisme de financement véritablement fédéral, capable de rivaliser avec l’approche unifiée des États-Unis. Les prochains mois, marqué par la montée en puissance de la Chine et le renforcement des alliances transatlantiques, seront décisifs pour l’avenir des semi-conducteurs sur le continent.

By Octave