Zelensky sonne l’alerte : des milliers de composants occidentaux dans l’arsenal russe

Le 6 octobre, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a publié un rapport alarmant : près de 100 688 composants de fabrication étrangère auraient été retrouvés dans les drones d’attaque lancés par la Russie, 1 500 dans les missiles balistiques Iskander, 192 dans les Kinzhal et 405 dans les Kalibr. Ces chiffres, probablement sous-estimés, illustrent la dépendance de l’industrie militaire russe à des technologies venues d’Europe, des États-Unis et du Japon, malgré les sanctions strictes en vigueur depuis 2022.

Une chaîne d’approvisionnement mondiale et opaque

Selon une étude du Royal United Services Institute (RUSI), sur 450 composants analysés dans des systèmes d’armes russes, 318 proviennent d’entreprises américaines. Les autres puces et microélectroniques sont issues du Japon, de Taïwan, de la Suisse, des Pays-Bas, de l’Allemagne, de la Chine, de la Corée du Sud, du Royaume-Uni et de l’Autriche. Des marques telles que Texas Instruments équipent notamment les drones kamikaze KUB-BLA, les drones cibles E95M, les Orlan-10 et divers équipements radio de l’armée russe.

Un héritage de la Guerre froide : la “Line X” du KGB

Cette dépendance n’est pas nouvelle. Dès l’ère soviétique, la “Line X” du KGB, rattachée à la Direction T, avait pour mission de s’emparer de technologies occidentales, y compris de microélectroniques de pointe. Les réseaux clandestins et les officiers du renseignement ont transmis cette tradition d’acquisition aux services de la Fédération de Russie. Aujourd’hui, les laboratoires forensiques de Kyiv, comme le Kyiv Scientific Research Institute of Forensic Expertise, démontent les missiles et scrutent chaque circuit : Sony, Analog Devices, U-blox et une myriade d’autres composants y sont identifiés.

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“Dual use” : le piège des composants à double usage

Beaucoup de ces pièces sont classées “dual use” : elles servent à la fois aux applications civiles (électroménager, pilotage de drones amateurs, équipements médicaux) et aux programmes militaires. L’Union européenne maintient une liste dite “Common High Priority Items List” qui recense 50 catégories de biens interdits, répartis en 4 niveaux de sensibilité. On y trouve :

  • Les microcircuits et modules électroniques.
  • Les connecteurs électriques et câblages.
  • Les appareils de radionavigation et de positionnement.
  • Les caméras numériques et leurs optiques.
  • Les machines-outils à commande numérique pour la fabrication de composants.

Cette réglementation a été renforcée par le 18ᵉ paquet de sanctions de juillet dernier, visant à bloquer toute exportation de matériel, du carburant pour avions aux contrôleurs de jeux vidéo, qui pourrait être reconfiguré pour l’effort de guerre russe.

Sanctions et “contournements” : un jeu de chat et de la souris

Malgré ces mesures, la Russie recourt à des circuits détournés : marchés gris dans les pays baltes, Kazakstan, Kirghizistan et Ouzbékistan, puis réexportation vers la Chine, où la réglementation est plus laxiste. Les fournisseurs européens et américains, souvent à leur insu, se retrouvent liés à des transactions indirectes. Nombre d’entreprises déclinent toute responsabilité, évoquant la complexité des chaînes logistiques et l’impossible traçabilité de tous les acteurs impliqués.

Peut-on durcir encore les contrôles à l’export ?

Aux États-Unis, l’administration travaille sur des listes plus fines de biens soumis à autorisation d’export. Bruxelles pourrait s’en inspirer en créant un registre détaillé et public des exportations de composants critiques. Des mesures envisageables :

  • L’obligation pour tout fabricant de microélectronique de déclarer chaque vente à l’UE.
  • La mise en place d’un système de “track & trace” numérique pour suivre les flux de composants, même en cas de revente sur le marché gris.
  • L’alignement des contrôles douaniers entre tous les États membres pour éviter les “points de déperdition” où les composants pourraient passer entre les mailles du filet.
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Les conséquences géopolitiques d’une chaîne d’approvisionnement vulnérable

Cette situation n’est pas qu’une question de commerce : elle illustre l’interdépendance technologique entre la Russie et l’Ouest. En alimentant son industrie militaire, l’Europe et les États-Unis fournissent paradoxalement les outils de la guerre. Renforcer l’autonomie stratégique européenne, développer des alternatives souveraines et renforcer la surveillance des exportations sont autant de chantiers urgents pour garantir que la technologie ne serve pas à violer le droit international.

Vers une plus grande transparence industrielle

Pour limiter le transfert de composants sensibles à l’industrie russe, il est crucial d’accroître la coopération entre services de renseignement, douanes et fabricants. Des audits indépendants, des sanctions ciblées contre les revendeurs détectés sur les marchés non régulés et un renforcement du partage d’informations en temps réel pourraient endiguer le flot de microélectronique. L’enjeu est de taille : rendre impossible, ou extrêmement coûteux, le détournement d’une technologie issue de l’innovation occidentale.

By Octave