La métamorphose de CD Projekt en véritable géant boursier est l’un des phénomènes les plus étonnants du secteur vidéoludique en Europe. Alors que la première aventure du Sorceleur, sortie en 2007, n’était qu’un pari audacieux pour cette petite structure polonaise, la société de Varsovie affiche aujourd’hui une valorisation record : 29 fois ses revenus prévisionnels, un multiple qui dépasse même les titans de l’intelligence artificielle cotés sur le Stoxx 600.

Une explosion du cours en Bourse

Au cours des douze derniers mois, le titre CD Projekt a bondi de 78 % ; depuis le début de l’année 2025, il a déjà progressé de 34 %. À lui seul, cet élan traduit l’enthousiasme des investisseurs pour The Witcher IV, le prochain opus de la saga, attendu seulement en 2027. En juin, la publication d’une démo technique de neuf minutes lors du State of Unreal 2025 à Orlando a suffi à propulser l’action de 5 % en une séance, confirmant la confiance massive placée dans la capacité de la franchise à générer d’importants retours financiers.

Un pari centré sur un jeu unique

Le succès boursier de CD Projekt repose presque exclusivement sur l’attente de The Witcher IV. À février 2025, 411 des 707 développeurs du studio étaient affectés à ce projet, entré en production complète en novembre 2024. Pour la première fois, CD Projekt abandonne son moteur maison – l’Aurora Engine – pour basculer vers l’Unreal Engine 5 d’Epic Games, gage d’une montée en puissance graphique et technique destinée à répondre aux exigences des joueurs et des investisseurs.

Des chiffres qui donnent le vertige

  • Multiples cours/CA : 29× les revenus estimés, un record qui surpasse les acteurs majeurs de l’IA sur l’indice européen.
  • Capitalisation à la Bourse de Varsovie : 26,7 milliards de zlotys (environ 6 milliards d’euros).
  • Revenus 2024 : 985 millions de zlotys, en recul de 20 % par rapport à l’année précédente.
  • Résultat net 2024 : 470 millions de zlotys, en légère baisse de 2 %.
  • Ventes cumulées de The Witcher 3 (depuis 2015) : plus de 50 millions d’exemplaires.
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Ces résultats montrent un paradoxe : un chiffre d’affaires en baisse mais un cours en Bourse au zénith, illustrant la confiance presque aveugle des marchés en la future performance de The Witcher IV.

Le précédent Cyberpunk 2077 : un avertissement

Si l’euphorie actuelle rappelle la montée fulgurante du titre CD Projekt en 2020, portée par la promesse de Cyberpunk 2077, elle soulève également le spectre d’un retour de bâton. À l’époque, l’action avait triplé avant de chuter de 63 % en 2021, après un lancement entaché de bugs majeurs et de malfonctionnements, notamment sur console. Ce précédent souligne le risque inhérent à une valorisation basée sur des promesses de vente plutôt que sur des résultats avérés.

La force d’une licence internationale

Au-delà des chiffres, c’est le rayonnement de The Witcher qui alimente cette spéculation. La série Netflix, portée par Henry Cavill, a offert une visibilité mondiale au folklore de l’écrivain Andrzej Sapkowski, accroissant l’attrait du franchise auprès d’un public non uniquement gamer. Chaque nouveau teaser ou extrait de gameplay génère des millions de vues et relance la machine marketing, créant une attente quasi permanente.

Soldes et stabilité : un équilibre délicat

Sans actualisation majeure, CD Projekt voit naturellement ses revenus baisser après les pics de vente post-lancement. Le cas de 2024 en témoigne, avec un recul de 20 % du chiffre d’affaires. Pour maintenir la valeur boursière, l’entreprise doit donc tenir la promesse d’un packaging marketing réussi et d’un jeu techniquement solide à la sortie. L’équation est simple : si The Witcher IV dépasse les projections, le cours pourrait encore grimper. Dans le cas contraire, la chute pourrait être vertigineuse.

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Les analystes sonnent l’alerte

Plusieurs observateurs pointent le déséquilibre entre la capitalisation boursière et la santé financière réelle de l’entreprise. La dépendance quasi exclusive à un seul titre en développement constitue un risque de concentration élevé. En outre, l’absence de diversification vers d’autres licences fortes ou vers des services annexes (streaming, microtransactions) maintient CD Projekt dans une position vulnérable.

Pour l’heure, la valorisation de CD Projekt illustre un ovni sur le marché européen : un développeur vidéoludique devenu plus « cher » que nombre de sociétés high-tech grâce à l’appât du gain futur. Mais, comme le montre l’histoire de Cyberpunk 2077, ces montagnes russes financières nécessitent une exécution sans faille pour éviter le retour brutal au point de départ.

By Octave