Dans les profondeurs de la province du Guangdong, en Chine, se trouve le tout nouvel observatoire souterrain de neutrinos Juno (Jiangmen Underground Neutrino Observatory). Cet appareil colossal, logé à 700 m de profondeur près de la ville de Jiangmen, marque le lancement d’un des plus grands projets mondiaux jamais entrepris pour étudier les neutrinos et antineutrinos. Avec ses 35,4 m de diamètre et plus de 20 000 tonnes de scintillateur liquide pur, Juno ambitionne de lever le voile sur certains des mystères les plus profonds de la physique des particules.

Un défi logistique et technologique hors norme

La construction de Juno a mobilisé près de 700 scientifiques issus de 17 pays, dont plusieurs laboratoires italiens de l’INFN. Outre la taille incroyable de la sphère de détecteur, l’enjeu principal a été de maintenir une pureté chimique extrême du scintillateur, indispensable pour capter les signaux infimes des neutrinos. La structure en acier inoxydable qui entoure la sphère supporte plus de 18 000 tubes photomultiplicateurs, capables de détecter la moindre émission de lumière lors de la traversée d’un neutrino.

L’origine des neutrinos et leur importance cosmologique

  • Neutrinos solaires : produits par les réactions de fusion au cœur du Soleil.
  • Neutrinos cosmiques primitifs : vestiges du Big Bang susceptibles d’avoir traversé l’Univers depuis sa naissance.
  • Antineutrinos de réacteur : générés par les centrales nucléaires voisines de Jiangmen.
  • Géoneutrinos : issus des processus radioactifs dans la croûte et le manteau terrestre.

Ces petites particules, quasi sans masse et sans charge, interagissent si faiblement qu’elles traversent la matière sans peine. Comprendre leur comportement est crucial pour affiner nos modèles du cosmos et révéler des phénomènes de base, comme la hiérarchie de leur masse ou l’asymétrie entre matière et antimatière.

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Oscillations et hiérarchie de masse : le cœur de l’expérience

En 2015, Takaaki Kajita et Arthur McDonald ont reçu le Prix Nobel pour avoir démontré l’oscillation des neutrinos — preuve qu’ils possèdent une masse. Pour aller plus loin, Juno se focalise sur la hiérarchie des masses : deux scénarios possibles (directe ou inversée) déterminent si le neutrino tau est plus lourd ou plus léger que les neutrinos électron et muon.

Grâce à la précision de la mesure du spectre énergétique des antineutrinos de réacteur, Juno observe les subtiles déformations générées par l’interférence entre deux fréquences d’oscillation. Après environ six ans de prise de données, l’équipe espère atteindre une significativité de 3 à 4 sigma, suffisante pour trancher cette question fondamentale.

Un détecteur polyvalent pour de nombreuses découvertes

Au-delà des oscillations, Juno ouvre la voie à l’étude de plusieurs autres phénomènes :

  • Mesure des géoneutrinos : quantifier la contribution de la désintégration radioactive terrestre à la chaleur interne.
  • Observation de neutrinos cosmiques : explorer des événements astrophysiques lointains, comme les sursauts de supernova.
  • Recherche du neutrino de Majorana : détecter si le neutrino est sa propre antiparticule, clé de l’asymétrie matière/antimatière.

Chacun de ces objectifs représente un pas en avant vers une compréhension plus complète de la physique fondamentale et de l’histoire de l’Univers.

Début de la prise de données et perspectives

La dernière phase de remplissage de la sphère s’est achevée il y a quelques semaines, marquant le coup d’envoi officiel des mesures. Si tout se déroule comme prévu, Juno continuera à fonctionner pendant trois décennies, accumulant des volumes de données inédits. Dans les prochains mois, les scientifiques affineront les calibrations et commenceront à publier leurs premiers résultats, tournant une page majeure de la recherche sur les neutrinos.

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L’héritage de Borexino et des expériences précédentes

Juno s’appuie sur l’expérience acquise avec des détecteurs plus modestes, comme KamLAND et Borexino. Toutefois, sa taille imposante et sa technologie de pointe le distinguent nettement :

  • Volume 20× supérieur à KamLAND (1 000 tonnes).
  • Détection simultanée de neutrinos et antineutrinos.
  • Sensibilité record aux oscillations et aux interactions rares.

Ces atouts feront de Juno un pilier de la recherche sur les neutrinos, capable de résoudre des énigmes restées hors de portée jusqu’à présent.

By Octave